CULTURE - ARTS PLURIELS & ARTISANAT TRADITIONNEL

Oeuvres visuelles orphelines

Une proposition de Loi N°441, modifiant le code de la propriété intellectuelle



Oeuvres visuelles orphelines

PROPOSITION DE LOI

Présentée par les Sénateurs,
Mmes Marie-Christine BLANDIN, MM. Jean-Pierre BEL, Serge LAGAUCHE, Mmes Françoise CARTRON, Catherine TASCA, Jacqueline ALQUIER, Michèle ANDRÉ, MM. Serge ANDREONI, Claude BÉRIT-DÉBAT, Mme Maryvonne BLONDIN, M. Yannick BODIN, Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, MM. Pierre-Yves COLLOMBAT, Roland COURTEAU, Mme Christiane DEMONTÈS, MM. Jean DESESSARD, Claude DOMEIZEL, Jean-Luc FICHET, Bernard FRIMAT, Jacques GILLOT, Jean-Noël GUÉRINI, Didier GUILLAUME, Mmes Bariza KHIARI, Françoise LAURENT-PERRIGOT, MM. Jacky LE MENN, François MARC, Rachel MAZUIR, Jean-Jacques MIRASSOU, Jacques MULLER, Robert NAVARRO, François PATRIAT, Mme Gisèle PRINTZ, MM. Daniel RAOUL, René-Pierre SIGNÉ, Jean-Pierre SUEUR, Michel TESTON, Jean-Marc TODESCHINI, Mme Dominique VOYNET, M. Richard YUNG et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés,

(Envoyée à la commission de la Culture, de l'Éducation et de la Communication, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Un nombre croissant d'œuvres visuelles sont exploitées dans l'édition à des fins professionnelles sans autorisation des auteurs ou de leurs ayants droits, au prétexte que ceux-ci seraient inconnus ou introuvables. Ainsi, l'usage de la mention « DR » ou « droits réservés » en lieu et place du nom de l'auteur, se multiplie et se systématise, sans respect des droits reconnus par le code de la propriété intellectuelle, en particulier dans le domaine de la photographie. Certains éditeurs utilisent abusivement cette mention, privant les auteurs de leur droit moral de créateur, et de la juste rémunération de l'exploitation de leur travail.

L'ampleur prise par cette pratique, véritable banalisation de la contrefaçon, est devenue si grande qu'il est impossible d'y mettre fin autrement qu'en précisant par la loi le cadre spécifique d'exercice du droit d'auteur sur les œuvres réputées orphelines.

L'application de la définition de l'œuvre orpheline et de son mode de gestion ad hoc concernera principalement les œuvres visuelles, c'est à dire les images non animées, telles que les dessins, les photographies, les croquis, les œuvres graphiques ou d'illustration, les reproductions d'œuvres d'art.

Par l'expression « œuvre orpheline », on désigne l'œuvre dont l'auteur ou le co-auteur, ou ses ayants droit, n'ont pu être identifiés ou retrouvés après des recherches sérieuses et avérées.

Le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA) a recommandé, dans son avis adopté le 10 avril 2008, que la délivrance des autorisations de reproduction ou de représentation d'une oeuvre orpheline soit faite par une société civile de perception et de répartition des droits d'auteur (SPRD) ce qui suppose la mise en place d'un régime de gestion collective obligatoire. Ainsi, des sociétés de gestion collective seront agréées, à cet effet, par le ministère de la culture et de la communication afin de fixer par accord spécifique le barème et les modalités de versement de la rémunération due pour l'exploitation d'une œuvre orpheline.

La présente proposition de loi, sans entamer le périmètre actuel des droits d'auteur et voisins, tend à aménager les modalités d'exercice des droits patrimoniaux sur les œuvres orphelines.

Dès lors que le ou les titulaires des droits se manifestent, ou qu'ils sont identifiés ou retrouvés, la proposition de loi crée une procédure de réversion.

Cette proposition de loi a donc un double objectif : garantir que l'exploitation des œuvres visuelles puisse s'exercer dans le respect des droits des auteurs et mettre fin aux abus, le droit d'auteur étant un droit insaisissable, perpétuel, imprescriptible et inaliénable.

En conséquence, l'article 1er se propose d'insérer, dans le code la propriété intellectuelle, à la suite des définitions des différents types d'œuvres protégées par le droit d'auteur, une définition de l'oeuvre orpheline.

L'article 2 crée un titre spécifique au livre III de ce même code afin de définir, en deux chapitres, le régime d'exploitation des droits attachés à une œuvre visuelle orpheline et les modalités de basculement dans le régime de droit commun de la gestion des droits attachés à une œuvre visuelle orpheline dont les ayants droit viendraient à être identifiés.

La gestion de l'exploitation des droits attachés à une œuvre orpheline sera confiée à des sociétés de perception et de répartition de droits spécifiquement agréées à cet effet, par le ministre de la culture, sur une base contractuelle. Aucune cession ne sera accordée à titre exclusif. Les barèmes et les modalités de versement des rémunérations dues pour l'exploitation des œuvres visuelles orphelines seront fixés par accords interprofessionnels -qui pourront être étendus- ou, à défaut par une commission ad hoc, présidée par un magistrat. Le montant des rémunérations des œuvres orphelines sera conservé pendant le délai de droit commun de dix ans par les sociétés agréées et, à l'issue de ce délai, si l'œuvre est toujours orpheline, versé aux actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation des artistes.

En cas de découverte des détenteurs des droits d'une œuvre réputée orpheline, une procédure de réversion dans le régime de droit commun de la propriété littéraire et artistique est prévue, accompagnée d'un délai permettant aux titulaires de la cession des droits sur cette œuvre de se mettre en conformité avec les dispositions de droit commun.

L'article 3 procède à une coordination, au sein du code de la propriété intellectuelle, afin de permettre de verser aux actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation des artistes, les sommes perçues par les sociétés de perception et de répartition des droits, au titre de la gestion des oeuvres orphelines, non réclamées par les ayants droit au bout d'un délai de dix ans.

PROPOSITION DE LOI

- Article 1er
Après l'article L. 113-9 du Code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article L. 113-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 113-10. - L'oeuvre orpheline est une oeuvre dont le ou les titulaires des droits ne peuvent pas être déterminés, localisés ou joints, en dépit de recherches appropriées. »

- Article 2
Après le titre Ier du livre III de la première partie du code de la propriété intellectuelle, il est inséré une division ainsi rédigée :
« Titre 1er bis
« Dispositions relatives à l'œuvre visuelle orpheline
« Chapitre Ier
« Exploitation des droits attachés à une œuvre virtuelle orpheline
« Art. L. 311 - 9. - La gestion de l'exploitation d'une œuvre visuelle visée aux 7°, 8° 9°, 10°, 11° et 12° de l'article L. 112-2 réputée orpheline est assurée par une société mentionnée au titre II du livre III, ayant reçu un agrément, à cet effet, du ministre chargé de la culture. Cette société peut ester en justice pour exercer les intérêts statutaires dont elle a la charge.

« Toute exploitation des droits d'une œuvre visuelle orpheline est soumise à la conclusion d'un contrat entre une société mentionnée au titre II du livre III et la personne souhaitant obtenir la cession de l'exploitation de ces droits. La personne souhaitant obtenir le droit de reproduction ou de représentation d'une œuvre visuelle orpheline apporte la preuve des recherches effectuées en vue de déterminer, localiser et joindre le ou les titulaires des droits de cette œuvre.

« Art. L. 311-10. - La cession d'exploitation des droits d'une œuvre visuelle orpheline ne peut être accordée à titre exclusif.

« Art. L. 311-11. - Les titulaires des droits d'une œuvre visuelle orpheline perçoivent une rémunération au titre de l'exploitation de leurs œuvres.

« Art. L. 311-12. - Le barème et les modalités de versement de la rémunération due pour l'exploitation d'une œuvre visuelle orpheline sont fixés par accords spécifiques entre les sociétés mentionnées au titre II du livre III bénéficiant de l'agrément prévu à l'article L. 311-9 et les organisations représentatives des usagers des œuvres orphelines, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Ces accords spécifiques peuvent être étendus à l'ensemble du secteur d'activité par arrêté du ministre chargé de la culture. Leur durée est de cinq ans.

« À défaut d'accord conclu dans un délai de six mois à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° ... du ..., le barème et les modalités de versement de la rémunération versée pour l'exploitation d'une œuvre orpheline sont fixés par une commission présidée par un magistrat de l'ordre judiciaire dont la composition, arrêtée par le ministre chargé de la culture, comprend, outre le président qui a voix prépondérante, un membre du Conseil d'État, une personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé de la culture et, en nombre égal, des membres désignés par les société mentionnées au titre II du livre III, ayant reçu un agrément du ministre chargé de la culture pour assurer la gestion des œuvres orphelines et de représentants des utilisateurs des œuvres orphelines.

« Le barème et les modalités de versement de la rémunération fixés conformément au premier et deuxième alinéa font l'objet d'une publication au Journal Officiel.

« Art. L. 311-13. - La rémunération perçue au titre de la cession des droits d'exploitation d'une œuvre visuelle orpheline est conservée par la société qui a conclu le contrat d'exploitation des droits, conformément à l'article L. 311-9. À l'issue du délai figurant au troisième alinéa de l'article L. 321-1, si l'œuvre est toujours réputée orpheline, le montant de la rémunération est utilisé dans les conditions prévues par le 2° de l'article L. 321-9.

« Art. L. 311-14. - La représentation, la reproduction d'une œuvre visuelle orpheline fait l'objet d'une publicité mentionnant le nom de la société qui assure l'exploitation de ces droits en vertu du contrat conclu par celle-ci avec la personne qui assure la représentation ou la reproduction de l'œuvre et qui verse la rémunération attachée à ces droits.

« CHAPITRE II

« Manifestation de l'auteur ou des ayants droit de l'œuvre visuelle réputée orpheline

« Art. L. 311-15. - Une œuvre visuelle cesse d'être orpheline si le ou les titulaires des droits se manifestent auprès de la société mentionnée à l'article L. 319-9, chargée de la gestion de l'exploitation de cette œuvre.

« La société notifie aux personnes avec qui elle a conclu un contrat de cession de droits, le changement intervenu dans la qualification de l'œuvre, en application du premier alinéa. La notification rend caduque l'autorisation d'exploitation de l'œuvre, selon des modalités et délais fixés par décret en Conseil d'État. »

- Article 3
Au troisième alinéa (2°) de l'article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « et L. 311-1 » sont remplacés par les mots : « , L. 311-1 et L. 311-11 ».

Oeuvres visuelles orphelines

Intervention des reporter-photographes

Cette proposition est capitale pour la survie des auteurs photographes et nous vous demandons de bien vouloir y apporter tout votre soutien.

Depuis de nombreuses années, un usage de publication d’œuvres avec la mention "Droits Réservés" ou "DR" s’est développé. Cette pratique n’a aucune base légale. Elle était à l'origine exceptionnellement réservée aux œuvres dont l'auteur était inconnu. Les sommes correspondant à ces utilisations étaient en principe provisionnées sur un compte jusqu'à ce que l'auteur se manifeste. Cette pratique connaît aujourd'hui de graves dérives, au préjudice des photographes professionnels.

La publication d'œuvres avec la mention " DR " est devenue très fréquente dans les secteurs de la presse, de l’édition, de la télévision. Cette pratique constitue une facilité de gestion éditoriale pour les diffuseurs. Il est devenu plus facile d’attendre que l’auteur se manifeste après publication que d’engager des recherches pour le retrouver ou même de le contacter alors qu’il est connu. Les « droits réservés » deviennent ainsi un contenu éditorial gratuit !

Cette pratique viole le droit moral de l’auteur puisque les publications se font sans l’indication de son nom. Elle viole également ses droits patrimoniaux puisque l’autorisation exprès de reproduire ou de communiquer l’œuvre au public n’a pas été requise.

Pour les photographes, cette dérive a de graves conséquences :

- Elle les prive de la rémunération due pour l’exploitation de leurs images.

- Elle institue une concurrence déloyale à l’égard des photographes identifiables, du fait de la gratuité de ces usages illégaux.

Une proposition de loi permettant de mettre fin à ces usages abusifs sera discutée en séance devant le Sénat le 28 octobre prochain.

Cette proposition reprend les recommandations d’un avis adopté à l’unanimité le 10 avril 2008 par le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique.
La reconnaissance de la loi actuelle sur le droit d'auteur, souvent détournée par la plupart des éditeurs, se trouvera simplement matérialisée par l'adoption de la proposition de loi 441.

Soutenue par l'organisation professionnelle (l’Union de Photographes Professionnels), par les plus grands noms de la photographie et par l’ensemble des syndicats de journalistes, cette proposition confie la gestion des œuvres dites « orphelines » à une Société de Perception et de Répartition de Droits d’auteur (SPRD), agrée à cet effet.

Par l'expression "œuvre orpheline", le texte désigne l'œuvre dont l'auteur n'a pu être identifié ou retrouvé malgré des recherches sérieuses et avérées.

En fixant une définition légale de l'œuvre orpheline, ce dispositif permettra de distinguer les œuvres réellement orphelines de celles dont l'auteur est identifiable.

Ce sera à l'utilisateur de prouver qu'une photographie n'a pas d'auteur malgré des recherches sérieuses et avérées. Une fois la preuve établie de ces recherches, cet utilisateur pourra bénéficier de l'autorisation donnée par SPRD.

Ce dispositif régulateur, qui ne demande aucune dépense publique, aura des effets vertueux sur l’ensemble des usages de ce secteur.

Une Foire aux Questions qui explicite le dispositif de la proposition de loi est visible sur le site Internet de l'Union des Photographes Professionnels à l'adresse suivante :
http://www.upp-auteurs.fr/faq.php?categorie=7

Pour obtenir davantage de renseignements, je vous invite à prendre contact avec le service juridique de l’Union des Photographes Professionnels.
contact@upp-auteurs.fr
tél. 01 42 77 24 30

Oeuvres visuelles orphelines

Droit d'auteur , oeuvres orphelines : le Sénat clarifie la situation

Le Sénat a adopté, comme précisé ci dessus, une loi sur les œuvres visuelles orphelines.

Ce texte, déposé par Marie Blandin (Verts), a pour objet d’enrayer l’utilisation abusive de la mention « Droits réservés », employée pour la reproduction dans les médias de photos et autres œuvres visuelles dont l’auteur n’est pas connu.

Nous avons conscience que ce texte suscite une certaine polémique. Aussi, nous vous transmettons une vidéo d'interview de Marie Blandin (Verts) et de M. Humbert (UMP), qui explique les raisons du vote de la loi.

Pour lire la vidéo, cliquez ICI

La Rédaction Multimédia du Sénat (29 octobre 2010)

Samedi 30 Octobre 2010
Yvan MARCOU
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