DOSSIERS DU BAGNE DE GUYANE

Des galères au bagne de Brest

Tonnerre de Brest. L’origine du fameux « tonnerre de Brest », juron favori du capitaine Haddock, viendrait des coups de canon tirés à chaque évasion de bagnard et que l’on entendait à des kilomètres à la ronde.



Des galères au bagne de Brest
L’histoire du bagne de Brest débute le 27 septembre 1748. Ce jour-là, Louis XV décide de dissoudre le très coûteux corps des galères et de le rattacher à la Marine Royale. En 1749, décision est prise d’ouvrir à Toulon, Brest, et plus tard Rochefort, des bagnes.
L’histoire du bagne de Brest débute le 27 septembre 1748. Ce jour-là, Louis XV décide de dissoudre le très coûteux corps des galères et de le rattacher à la Marine Royale. En 1749, décision est prise d’ouvrir à Toulon, Brest, et plus tard Rochefort, des bagnes.

Un quotidien sordide
À Brest, où un petit millier de forçats arrivent en 1749 de Marseille, c’est l’architecte et ingénieur en chef de la Marine, Antoine Choquet de Lindu (1712-1790), qui se voit confier la construction du bagne, un grand et beau bâtiment d’où il doit être impossible de s’évader. Le bâtiment est donc conçu pour une surveillance maximale des prisonniers. Les postes de garde sont situés au centre du bagne et les circulations pensées pour éviter ou mater facilement toute forme de sédition. Rien ne doit échapper aux gardiens.
Le bagne, construit sur la rive gauche de la Penfeld et dont on ne trouve plus de trace physique aujourd’hui, a ouvert ses portes en 1751, il pouvait accueillir plus de 2 000 hommes. À sa fermeture, en 1858, plus de 60 000 forçats y auront été enfermés et, malgré les latrines, les fontaines, la cuisine et même la taverne installées dans le bâtiment, le quotidien des bagnards y était sordide.
Utilisés comme main-d’œuvre bon marché, ils trimaient jour après jour, enchaînés pendant des heures, travaillant à l’agrandissement de l’arsenal, à l’élargissement des quais de la Penfeld, à l’acheminement sur le plateau des Capucins des matériaux qui serviront à construire les ateliers que l’on découvre aujourd’hui d’un coup de téléphérique.
Casser le corps des forçats est voulu, c’est de cette manière qu’ils doivent payer leur dette à la société. La peine doit être exemplaire. Les forçats travaillant à l’extérieur du bagne croisent tous les jours les Brestois et un « tourisme » s’organise pour venir les voir. On vient regarder les bagnards comme si on allait au spectacle ou admirer le paysage. Si bien qu’à leurs moments perdus, rares tout de même, certains prisonniers fabriquent des objets en paille, gravent des noix de coco qu’ils vendent au bazar du bagne, aux curieux et aux voyageurs de passage.



Deux catégories de bagnards

En arrivant au bagne, les prisonniers étaient déshabillés, lavés, rasés et tondus, avant de recevoir leur trousseau et d’être enchaîné à un codétenu. Le trousseau est composé d’une casaque de laine, de deux chemises, de deux caleçons, d’une vareuse, d’une paire de bas et de souliers et du fameux bonnet à matricule, vert pour les condamnés à perpétuité, rouge pour les autres.
Une fois son paquetage reçu, le prisonnier devenait officiellement un bagnard. Réveillé à 5 h en été, à 6 h l’hiver, le forçat travaille l’essentiel de son temps sur le port, dans les manufactures utiles à la Marine, voire, sous certaines conditions, chez les artisans de la ville. Il commence à 7 h ou 8 h, pour un retour au bagne après 18 h. L’oisiveté est bannie.
Le travail est divisé en deux catégories : la « grande fatigue » (le lot de la majorité) c’est-à-dire les travaux pénibles où il n’est pas rare de voir les bagnards enchaînés être attelés pour tirer de lourdes tâches, et la « petite fatigue » réservée à ceux qui ont une qualification, une expertise professionnelle. Ceux-là travaillent généralement à la voilerie, à la corderie, dans les ateliers de charpentes… Et ils perçoivent un microsalaire.

48 cm pour dormir
Pour tenir, les bagnards ont dans leur ration quotidienne 900 g de pain, 120 g de légumes secs, 10 g d’huile, de sel et 1/2 litre de vin. Le soir, chacun retrouve sa place sur le « tollard », le grand banc où dorment les prisonniers. Ils sont 24 par tollard et disposent chacun de 48 cm pour dormir. À 20 h, c’est le signal du silence. À la moindre incartade, bagarre, protestation, les sanctions tombent, souvent lourdes : doubles chaînes, cachot…
En 1830, les bagnes n’ont plus bonne presse dans l’opinion, des débats s’engagent sur leur utilité sociale. Certains trouvent que leur image est déplorable, que leur présence aggrave les épidémies, que la concurrence des bagnards avec les ouvriers libres est déloyale. Assez vite, l’hypothèse de leur fermeture au profit des colonies pénales d’outre-mer est mise en avant.
Avec l’abolition de l’esclavage en 1848, la main-d’œuvre manque dans les colonies et, à partir de 1852, les premiers bagnards quittent la métropole pour la Guyane. Le bagne de Brest ferme le 1er septembre 1858, et ses derniers prisonniers partent pour la Guyane. Le bâtiment servira de dépôt de matériel, d’hôpital pendant la Première Guerre mondiale, avant d’être entièrement détruit sous les bombardements de 1944.

Ouest-France - Publié le 09/08/2022 à 10h00

Jeudi 11 Août 2022
Yvan MARCOU
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