La statue du fondateur du monastère est campée à Luxeuil-les-Bains (Haute-Saône), à l'entrée de la superbe basilique du XIIIe siècle de grès rose et blond qui remplace l'abbatiale primitive. Immédiatement, le mystère surgit: que fait saint Colomban dans cette posture instable, les bras levés en signe d'imprécation?
Entame-t-il déjà un chemin d'exil, jeté dehors par son ancien protecteur, le roi franc Thierry II?
Où esquisse-t-il un mouvement de recul, horrifié que les enfants du roi lui offrent des présents, à lui l'ascète incorruptible?
Raphaël, le photographe, et moi-même sommes intrigués. De ce que nous murmurent les habitants – avec le petit sourire de ceux qui lui pardonnent – revient l'impression qu'il "n'était pas commode", "un vrai père fouettard". Quel contraste avec les livrets et panneaux qui vantent partout le diffuseur du monachisme, voire l'un des "pères de l'Europe"!
Contre le ciel d'été, ce grand bronze contemporain dégage tout de même une énergie et un mouvement dramatique qui semblent inhérents au personnage, ou du moins à ce qu'on peut en saisir quatorze siècles après sa mort, en l'an 615. Il paraît donc nécessaire, pour approcher le "vrai" Colomban, de "nous mettre en chemin" comme diraient les bénévoles des diverses associations qui ont, ces dernières années, retracé et balisé grâce au GPS les 7 100 km de son parcours complexe à travers l'Europe: la Via Colombani.
Par Sophie Laurant
Publié le 02/08/2022 à 17h00
Mise à jour le 09/08/2022 à 15h20
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