Classement des bagnes de Guyane par l'UNESCO: discours et soutiens.

Michel DUFFOUR - Ministre de la Culture (2001)

Saint-Laurent-du-Maroni - discours du lundi 3 septembre 2001



Michel DUFFOUR - Ministre de la Culture (2001)

Mesdames, Messieurs,

La cérémonie à laquelle nous venons d'assister m'a beaucoup touché. Bien davantage que les mots que je pourrais prononcer, elle reflète l'enjeu humain de la politique patrimoniale que vous conduisez. L'univers du bagne occupe la place que chacun sait dans l'histoire de Saint-Laurent-du-Maroni.

Votre ville a su affronter ce passé de douleur et de souffrance humaine. Sans doute eut-il été, d'une certaine manière, plus "commode" de le refouler, d'en recouvrir les traces matérielles, d'en éradiquer les stigmates subsistants. Mais seule la connaissance du passé libère de la part d'ombre qu'il recèle. L'oubli est le pire ennemi du deuil. Quand la mémoire fait défaut c'est l'avenir qui est confisqué. Vous avez donc fait le choix inverse, celui du travail de mémoire. Je sais ce qu'il faut de courage pour le mener à bien. A cet égard, sachez toute la gratitude et le respect que m'inspire, Monsieur le Maire, votre politique patrimoniale.

Au demeurant, elle n'est pas une affaire de principes abstraits, de valeurs désincarnées. Ainsi avez-vous su dégager des solutions concrètes aux difficultés rencontrées dans l'entreprise de valorisation de ce patrimoine. Je pense en particulier à l'occupation de monuments abandonnés, tel le camp de la transportation sur la rive du Maroni, par des populations condamnées jusqu'alors à l'insalubrité. Vous avez, avec beaucoup d'humanité, cherché l'issue d'une situation délicate. Je crois que vous l'avez trouvée.


Jean-Paul JACOB-Michel DUFFOUR-Le Préfet
Jean-Paul JACOB-Michel DUFFOUR-Le Préfet
C'est d'autant plus méritoire que la mémoire du bagne est parfois ressentie comme une blessure infligée par une Métropole lointaine, qui réglait de la pire des manières qui soit ses propres contradictions. Vous recevez en héritage un passé de souffrances et d'injustices dont vous n'êtes pas les auteurs.

Les jeunes de Saint-Laurent-du-Maroni ont besoin de le savoir, de le comprendre, de disposer de repères au sujet de ce patrimoine si difficile à assumer. Votre politique y contribue avec éclat. Comment envisager un seul instant que l'Etat se dérobe, pour sa part, aux responsabilités qui lui incombent ? C'est pourquoi mon ministère sera demain, comme aujourd'hui, à vos côtés pour vous accompagner.
Je pense en premier lieu aux travaux d'entretien des cellules de réclusion du bagne.
Elles sont bien davantage qu'un symbole. Ne pas garantir leur conservation, ce serait ajouter une faute à la faute.

Je vous confirme donc que ces travaux seront réalisés par l'Architecte des Bâtiments de France et que l'Etat financera au moins la moitié de leur coût. En second lieu, je tiens à vous dire que la restauration des bâtiments publics et privés de votre ville, celle des murs de clôture du quartier officiel, ont éveillé tout mon intérêt. Nul ne saurait se résoudre à voir la valeur architecturale de votre ville flétrie ou occultée.

Ainsi, l'Etat sera-t-il attentif à l'articulation de son intervention avec celle de l'Europe en ce qui concerne l'amélioration de l'éclairage public dans le quartier officiel. De même, mon ministère propose la création d'une Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager, dans le souci d'articuler et de faire converger nos efforts. Qui plus est, la mémoire du bagne - qui pourrait en douter - est également une affaire de politique muséale.


Michel DUFFOUR
Michel DUFFOUR
Dès lors, j'attache, comme vous tous, la plus haute importance au projet de musée des bagnes de Guyane. Vous m'avez présenté le bâtiment retenu pour l'accueillir : l'ancien tribunal maritime dans le camp de la transportation. J'ai donné instruction à la Direction des Musées de France et à la Direction Régionale des Affaires Culturelles de mettre tout en œuvre afin que ce projet obtienne le label "Musée de France".

Des financements pourront être octroyés dans ce cadre ; et si vous le souhaitez la seconde tranche des travaux de restauration sera entamée dès 2002. Pour les mêmes raisons, je me réjouis du projet d'acquisition en cours, par le Musée des Arts et Traditions Populaires, d'une importante collection d'objets du bagne, qui sera déposée lorsque le musée sera crée.

Le rayonnement de ce patrimoine dépend peut-être plus que tout autre de notre capacité à le partager.
Enfin, permettez-moi de vous livrer mon sentiment à propos de la vitalité de votre politique culturelle, qui s'appuyant sur la richesse pluriethnique de votre cité, en devient le premier vecteur d'intégration et de développement. Vous m'en avez présenté les principaux volets lors de ma visite. A cet égard, je tiens à souligner la qualité du projet d'un Centre culturel de rencontre. Il va vous permettre d'accroître considérablement le rayonnement de la culture Guyanaise, de la confronter à d'autres en accueillant parmi vous des artistes et des intellectuels de qualité. Ajoutons qu'il pourra certainement constituer ce pôle avancé de la culture européenne sur ce continent, répondant ainsi à votre souhait.

Le Ministère de la Culture et de la Communication vous a apporté son soutien dans le cadre de la mission de préfiguration de ce centre, il continuera à le faire dès son ouverture. De même, je vous confirme la contribution financière de l'Etat à la restructuration du bâtiment dévolu à la future médiathèque de l'Ouest. Cette aide sera consacrée à la réhabilitation de la partie ancienne du bâtiment.

Quant aux constructions, elles pourront être financées par des crédits contractualisés et des fonds européens. Je sais toute l'excellence et la nécessité impérieuse de ce projet. Il va constituer un outil irremplaçable de diffusion artistique et de lutte contre l'illettrisme et l'analphabétisme. Pour terminer, j'ai pris bonne note de votre souhait de voir Saint-Laurent-du-Maroni entrer dans le réseau des villes d'art et d'histoire.
Mon séjour parmi vous m'a définitivement convaincu de l'intérêt historique et architectural de votre ville. Je vous donne donc l'assurance de tout mon appui pour que cette démarche aboutisse.

Permettez-moi enfin de saisir l'occasion qui m'est donnée de vous présenter le successeur de Jean-Paul Jacob, dont vous avez, je le sais, particulièrement apprécié la compétence et l'efficacité. La nomination de François Rodriguez-Loubet, Conservateur général du Patrimoine, archéologue, lui aussi, spécialiste des Amériques qui coordonnait les services départementaux à la DRAC Ile-de-France, revêt à mes yeux deux significations majeures. Celle tout d'abord d'assurer dans les meilleures conditions la continuité du service public. Celle également de l'intérêt que porte notre ministère au développement culturel de la Guyane.

Je vous remercie de votre attention.

Michel DUFFOUR - Ministre de la Culture (2001)

Remise de la cloche du Camp de la Transportation.

Cette cloche qui avait disparu à la fermeture du bagne était conservée chez "MANO" un sympathique habitant de Saint-Laurent-du-Maroni.

Ainsi, à l'occasion de la visite du Ministre Michel DUFOUR, ce dernier la remise gracieusement et officiellement à la ville comme la première pièce qui préfigure le futur musée du bagne.

Toutefois, l'histoire de cette cloche, intimement rattachée à l'Histoire des bagnes, car elle en a rythmé les heures noires, dont en particulier les exécutions capitales, interpelle...

En effet, elle porte les inscriptions suivantes : Joseph REVEILHAC – fondeur à Paris l’an, 1822.

Comme nous le savons, l’histoire des bagnes de Guyane débute en 1852 et Saint-Laurent-du-Maroni a été décrété Commune Pénitentiaire en 1858, avec la construction du Camp de la Transportation entre 1895 et 1925.

Alors cette cloche possède un itinéraire antérieur à cette époque qui serait particulièrement instructif de connaître ???

Ainsi, si vous pouvez nous aider, n’hésitez pas à nous contacter, nous publierons vos informations.

Par avance merci.

La cloche du Camp de la Transportation.

Michel DUFFOUR - Ministre de la Culture (2001)

Mardi 28 Mars 2006
Yvan MARCOU
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1.Posté par AMAROUCHE L/AS (Alditas) le 05/05/2007 08:55 | Alerter
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Bonjour !

Photos émouvantes. Les mots manquent. Les yeux et le coeur pleurent même sans larmes. Triste sort de l'être humain BB venant au monde tête la première en sortant du ventre de sa mère en pleurant, ce petit saint qu'une certaine société corrompte, piège, heurte, renverse et fait tomber dans un puits...."

L'éducation , l'éducation civique, l'éducation civique & morale reste et demeure la seule alternative à toute éventualité à mon avis...

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